Sensationnel. Son cœur voltigeait à des centaines de mètres, venait s'écraser quelques fois sur le sol puis rebondissait. La craquelure se faisait plus profonde, et toi tu te faisais plus violent. Plus fort, plus fort, plus. Sa voix l'étouffait, ses caresses la tuaient. Il continuait à appliquer avec soin son fouet contre sa peau, sa marque dans sa chair et à lui faire hurler : « C'est fini. » Du bout de ses doigts morcelés il tournait son visage entre ses doigts. Poupée vide elle s'extasiait d'être suspendue à ses fils. Et ses larmes roulaient comme des tambours, sur ses joues devenaient le signe que sa vie n'avait été qu'une futile succession de notes. Sourdes. Ses yeux trahissaient une incompréhension enfantine et lentement elle s'était écrasée contre le sol. Sa fraîche moiteur avait quelque chose de réconfortant pour ce petit corps et même la lune était de concert pour tordre sa douleur, devenue chose tragique. Elle rit de cette évidence et se mit à rêver d'un poignard. Le manche en serait long et chaud, la lame tranchante et glaciale. Le geste doux. À nouveau elle se mit à battre des paupières et à embrasser ses poignets rougis. Dernier signe de son passage. Elle se laissa aller à la dérive, emportée par des flots monstrueux et ballotée par ses sentiments. Son inconscient enveloppa son conscient et sa pensée s'échappa. Le pantin voyagea de contrée en contrée, de beaux princes en beaux princes. Tous avaient son visage. Ses mains avaient beau vouloir le caresser il n'était pourtant que fumée. Elle-même se transforma en un vil sentiment et se changea en serpent, jusqu'à en cracher des flammes. Puis de l'eau. Beaucoup d'eau. Elle ouvrit subitement les yeux, prise d'une crise de larmes. Sa façon à elle de se sauver de la noyade.

La petite femme recroquevillée contre sa propre carcasse pleura tout son soûl jusqu'à pleine expiration de lui. Va t'en ! Va t'en !

Le cri est sourd mais pas le sentiment.

Le poignet se tend, se tord. Le poignet se serre. Poudré, fariné. Une fissure entre rideau rouge et scène.
Le bras tout entier fend l'air. Sa danse douloureuse arrache un soupir à la bouche vermeille qui se presse. Pulpeuse. Triste. Tous ses membres désarticulés font d'elle un pantin. Ses pointes se dressent, se cognent, manquent de la faire chavirer. Sa poitrine s'incline dans un éclair de douleur. La cage de son cœur se brise.
Douleur. Douleur. Douleur !
Son tutu glisse sur ses cuisses, fais des arrêts sur son fessier. Tombe. Son genou se plie pour mieux se détendre. Fais gémir ses reins. Les frêles épaules se consolent contre les joues. Joue.

Le corps explose vers la lumière, savoure ses rayons chaud sur sa peau nue. Les bras attrapent violemment la poitrine. Modeste poitrine pour un souffle court. Souffle tendu. La bouche ouverte récolte des larmes échappées. Le regard est vide. Aveugle. Aveugle.

- L'amour seul est resté, comme une grande image survit seule au réveil dans un songe effacé. *

Elle se réveille à l'aube. Joue contre parquet. Ses genoux glissent contre son front, empêchent son regard azuré de se confronter au soleil. Morte. Tout son corps lui fait atrocement mal. Elle ne sera certainement jamais danseuse.
Quelques mèches rousses restent collées à ses tempes. Lasses.